Voyage en cultures est un projet en cinq étapes à destination des élèves du CE2 à la 6^e. Il vise à faire découvrir les trois grandes religions monothéistes afin de nourrir le dialogue culturel dans et hors de la classe. Porté par le CDAFAL, ce dispositif initié à la demande de la cité éducative doit permettre de répondre au repli sur soi grâce à un schéma de visites conjointes entre l’Institut du monde arabe (IMA), le musée d’art et d’histoire du Judaïsme (mahJ) et la basilique de Saint-Denis. Il s’appuie ce-faisant sur un travail de collaboration ancien entre le mahJ et l’IMA, qui, avec Cultures en partage, ont mis en place une mallette pédagogique établissant un parcours inter-musées entre ces deux institutions. « Moi ce que je souhaitais, quand j’ai accepté ce projet, c’était qu’on n’en reste pas à un dialogue entre ces deux religions puisqu’on est à l’école laïque… et donc, faire connaître la troisième religion monothéiste, la chrétienté, et faire également connaître les religions non bibliques, et faire aussi connaître, c’est le 5e point, tout ce qui est athéisme et incroyance, » explique la référente pédagogique du parcours, Mariannick Dubois-Lazzarotto. Retour sur cette expérience à l’école polyvalente 113 rue Championnet.

Un projet enrichissant pour les élèves comme pour les enseignants

Deux classes de l’école, des CE2-CM1 et des CE2-CM2, ont bénéficié en 2022-2023 de ce Voyage en cultures. Celles-ci ont d’abord accueilli une médiatrice dans l’établissement pour une séance introductive au cours de laquelle les élèves ont découvert plusieurs grands mythes, cosmogonies, travaux scientifiques relatifs aux origines du monde, avant d’aborder les distinctions entre croyances et connaissances. Les classes ont ensuite effectué leur première visite à la basilique de Saint-Denis. Rapidement, les enseignantes ont constaté l’implication de leurs élèves : « L’intervenante leur a raconté les choses tellement simplement qu’ils se sont pris au jeu, que ce soit par la lecture des vitraux ou encore, les détails sur la façon de prier… là, ils ont commencé à faire des liens et à discuter des leurs pratiques respectives, plus dans un esprit de curiosité que de comparaison » détaille Jennefer, une des enseignantes qui a mis en place le projet. Pour approfondir les notions abordées lors des visites, elles ont décidé de développer un travail en rapport avec l’art ; une manière pour elles d’ouvrir les élèves culturellement et intellectuellement de façon concrète et transversale aux trois grandes religions étudiées via le projet. Ce travail s’inscrit dans la continuité d’ateliers effectués en fin de visite, chacun des trois musées accompagnant les enfants dans un processus artistique autour d’un symbole fort lié à chaque religion : le sceau de Salomon (ou Sulaymân) à l’IMA, la khamsa au mahJ, et le reliquaire à la basilique. A l’école 113 Championnet, les élèves ont par la suite étudié et réalisé des œuvres s’appyant sur le vitrail, la calligraphie arabe ou encore, l’enluminure. Pour Marine, seconde enseignante engagée dans le projet, le temps de préparation en amont des visites a permis aux élèves de mieux s’impliquer, les rendant aptes à répondre aux questions posées par les intervenants : « Au départ, il n’y avait pas beaucoup d’intérêt pour le projet autour des « religions » et là tout d’un coup comme ils savaient des choses ils se sont rendu compte que leur savoir était important, ils ont mis du sens là-dessus ». Les enseignantes voient alors un double avantage au parcours : d’abord la diminution des conflits entre élèves sur le sujet religieux et ensuite, le développement d’un rapport différent entre élèves et enseignants. Ainsi, Marine raconte des moments où des élèves ont pu lui expliquer comment tracer correctement des lettres arabes lors d’un exercice de calligraphie : « Je pense que renverser la transmission, c’était aussi plaisant pour eux, ils se sont dit : ‘‘J’ai quelque chose à apporter aussi, à apprendre à la maîtresse.’’ ». « Ils ont vraiment participé à tous les ateliers et puis, à l’Institut du monde arabe ils étaient passionnés… on rendait visible une partie d’eux dont on sentait jusque-là, qu’ils n’osaient pas parler » ajoute Jennefer. « A l’Institut du monde arabe, on était fascinées parce qu’on s’est rendu compte que nos élèves connaissaient énormément de choses qu’on n'abordait jamais ! Ils avaient beaucoup à dire […], nous-mêmes on s’est dit : ‘‘Il y a tellement de points d’appui, pour la géographie, pour l’histoire…’’ ». Impliqués jusqu’au bout, les élèves joueront un rôle-clé dans la restitution de fin d’année qui aura lieu à l’école, devant leurs pairs et leurs familles.

Pour les enseignantes, ce Voyage en cultures a également permis d’ouvrir une discussion nécessaire à l’école par rapport à la laïcité, la religion et les différentes cultures : « Même pour nous, ce projet donne un cadre… Et puis il nous permet d’en parler avec le reste de l’équipe éducative. Le fait d’avoir exposé des œuvres dans le couloir … les collègues nous questionnent. Et puis on a aussi ceux qui viennent nous demander : ‘‘Moi j’ai eu telle question en classe, j’ai répondu ça, qu’est-ce qu’il aurait fallu dire ?’’ Ça nous amène à questionner et discuter concrètement de la laïcité, en dépassant la peur ou le malaise que ça entraine souvent et c’est super, », raconte Jennefer. « C’est un domaine où il y a beaucoup de peur, de conflits… L’idée c’est de semer une petite graine de paix, » explique Mariannick Dubois-Lazzarotto qui insiste aussi sur l’importance d’accompagner les enseignants sur ces thématiques difficiles, et de les préparer en amont. Au 113 Championnet, le projet a permis à l’équipe pédagogique de réfléchir à la question sur le long terme. Ainsi, pour la rentrée prochaine, les enseignants aimeraient être formés sur ces sujets. Pour les deux associées au projet, il serait intéressant de prolonger les visites dans d’autres lieux de cultes et de culture, comme une mosquée, une synagogue ou encore, le musée du Quai Branly, le musée de l’Homme. Elles aimeraient enrichir ce Voyage en cultures par une approche plus sociologique : « l’objectif serait de permettre aux élèves de se décentrer, d’interroger et de construire leurs propres représentations du monde, en lien avec leurs croyances, leurs pratiques, tout en prenant conscience que les réalités sont multiples, complexes et qu’elles coexistent, notamment grâce au principe de laïcité ». Enfin, l’équipe pédagogique réfléchit à la manière d’inclure plus en avant les parents dans le projet.